___II - Quels repères pour avancer?
Pour développer cette Église de proximité, nous voulons porter nos efforts dans trois directions :
. proximité par l'engagement des chrétiens
. proximité par une qualité d'accueil
_______________________. proximité par la proposition de rencontres adaptées
a) Proximité par l'engagement des chrétiens
9. La proximité se réalise d'abord par la présence et l'engagement personnel des chrétiens dans la vie sociale. Cela commence dans la vie quotidienne, par la qualité des rencontres avec les autres, le souci de créer des liens, de développer la convivialité. Il faut poursuivre sur ce chemin et il est souhaitable que des chrétiens soient davantage présents là où se jouent des choses importantes au niveau de la vie collective de la cité: participation à une association de quartier, de parents d'élèves, de soutien scolaire, de loisirs; à un comité qui se bat pour telle cause humanitaire; à un syndicat, à un parti politique... Autant d'occasions fournies à chacun de donner le meilleur de lui-même et d'être ainsi reconnu par les autres.
Cet engagement peut aussi se vivre dans des groupes d'Église qui agissent pour l'instauration d'une plus grande justice, pour l'établissement de la paix: Secours Catholique, Comité catholique contre la faim et pour le développement, Pax Christi...
10. En ce domaine comme dans d'autres, il est urgent d'agir avec des chrétiens d'autres Églises et communautés ecclésiales avec lesquels nous partageons une même foi dans le Christ Seigneur.
Il est aussi heureux de nous retrouver sur ce terrain avec des croyants d'autres religions et toute femme et homme de bonne volonté. Compte tenu de la réalité de notre département, tous les chrétiens, quel que soit leur âge, vivent avec, ou pour le moins croisent, des croyants d'autres traditions religieuses et en particulier des musulmans, très présents dans le 93. Chacun de nous est invité, au nom même de sa foi, à vivre positivement la rencontre inter-religieuse et donc à chercher avec ténacité les chemins du dialogue. C'est le visage de l'Église qui est en jeu, mais aussi le défi de vivre ensemble et en paix dans notre société.
11. Notre façon d'être présents dans la vie du monde est déjà témoignage rendu à l'Évangile et mise en œuvre de la mission de l'Église.
En prenant ces engagements, nous voulons manifester notre solidarité avec ceux qui ne se résignent pas à la situation présente et travaillent pour un avenir meilleur. Nous ne cherchons pas dans ces lieux à faire du prosélytisme mais, de fait, nous échangeons avec d'autres sur le sens de notre action, sur nos raisons de vivre et d'espérer.
C'est à partir de cette présence des chrétiens dans la vie sociale que notre Église diocésaine peut manifester en tant que telle sa proximité, sa solidarité, par exemple en intervenant sur telle question importante: logement, pauvreté, accueil de l'étranger, éducation et formation des Jeunes...
12. De tels engagements ne sont pas évidents à vivre au quotidien et supposent des lieux de reprise et de soutien. Des mouvements apostoliques et des groupes de spiritualité peuvent beaucoup y aider. Ils ont besoin d'être davantage connus et proposés. Cela demande aux équipes pastorales et aux EAP d'être autant préoccupées de la responsabilité des chrétiens dans le monde que de leur responsabilité dans l'Église. Comment des communautés chrétiennes se sentent-elles concernées par l'engagement de certains de leurs membres dans des réalités sociales?
b) Proximité par une qualité d'accueil
13. « Nous aimons Dieu et nous aimons chaque femme et chaque homme, de l'enfance à la jeunesse, de l'âge adulte au soir de la vie. Notre foi est vivante, elle se révèle par et dans la rencontre avec tout être humain. » 13 Nous voulons donc accueillir toute la vie des personnes que nous rencontrons avec un a priori de confiance, en reconnaissant, comme dit l'Apôtre Paul « tout ce qui est vrai et respectable, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d'être aimé et honoré, tout ce qui s'appelle vertu et mérite des éloges. » (14)
14. Des personnes s'adressent aux paroisses pour diverses demandes: inscriptions en catéchèse, demandes de baptême, de mariage, de funérailles, de visite à un malade, besoin de parler d'un sujet qui les préoccupe... Des gens viennent prier dans l'église ouverte du quartier...
La proximité se réalise en accueillant le mieux possible les personnes qui s'adressent à nous pour les différents services
qu'elles peuvent attendre de l'Église, en offrant des lieux d'accueil repérables et accessibles.
Nous avons à être abordables et nous avons déjà beaucoup cherché en ce sens: formation à l'accueil, propositions adaptées à
des parents à l'occasion de la catéchèse de leurs enfants, célébrations tenant bien compte des participants...
15. Nous sommes appelés à mieux partir de la demande de ces personnes et à chercher un chemin possible à faire avec elles. Parfois, nous avons du mal à découvrir ce qui se cache derrière une demande mal formulée ou mal comprise. Souvent, cela nous mène bien au-delà de ce que nous avions pensé. C'est encore plus nécessaire dans notre diocèse parce que nous sommes d'origines et de cultures différentes.
Ce souci de l'accueil doit être porté par les acteurs pastoraux, par l'ensemble de la communauté chrétienne et chacun de ses membres personnellement.
c) Proximité par la proposition de rencontres adaptées
16. La proximité se réalise aussi par la proposition de rencontres adaptées à des catégories de personnes, à des lieux particuliers ou encore faites à l'occasion d'un événement marquant. Bien des réalisations différentes existent déjà: rencontre autour d'une communauté religieuse en cité; relais de médecins, de responsables politiques, d'enseignants; missions ouvrières locales; rencontres sur un site de travail (Roissy, La Plaine, Bobigny...) ; présence à un lieu particulier: hôpital, maison de retraite,
prison, fac; rencontres spécifiques pour tel groupe de migrants... Pourraient aussi se développer des lieux d'ouverture à la culture, à l'art, des lieux répondant davantage à différentes recherches spirituelles.
17. Nous sentons la nécessité de progresser sur ce point: proposer des rencontres non seulement à ceux qui viennent nous trouver mais aussi à ceux que nous ne verrons pas si nous n'allons pas nous-mêmes à leur rencontre. Beaucoup sont heureux d'être invités, de partager ce qu'ils vivent, d'entendre la Parole de Dieu: «Au moins ici, c'est humain, ça me fait revivre. »
Cela suppose d'oser aller vers eux, de les rejoindre sur leur terrain: « Ne pas attendre que les autres viennent, mais aller vers. » Nous avons à multiplier ces communautés chrétiennes de proximité.
18. Dans son encyclique sur la mission, Jean-Paul Il parlait des "communautés ecclésiales de base" qui se développent rapidement dans des
jeunes Églises: « Il s'agit de groupes de chrétiens qui, au niveau familial ou dans un cadre restreint, se réunissent pour la prière, la lecture de l'Écriture, la catéchèse ainsi que le partage des problèmes humains et ecclésiaux en vue d'un engagement commun...
Ces communautés décentralisent et articulent la communauté paroissiale, à laquelle elles demeurent toujours unies; elles s'enracinent dans les milieux populaires et ruraux, devenant un ferment de vie chrétienne, d'attention aux plus petits, d'engagement pour la transformation de la société. Dans ces groupes, le chrétien fait une expérience communautaire, par laquelle il se sent partie prenante et encouragé à apporter sa collaboration à l'engagement de tous. Les communautés ecclésiales de base sont de cette manière un instrument d'évangélisation et de première annonce ainsi qu'une source de nouveaux ministères, tandis que, animées de la charité du Christ, elles montrent aussi comment il est possible de dépasser les divisions, les tribalismes, les racismes. » (15)
19. Ce sont ces intuitions que nous voulons reprendre, dans le contexte particulier de notre société, où les participants à de telles rencontres ne sont pas seulement des chrétiens plus ou moins actifs dans la vie de l'Église mais aussi des personnes aux marges de , en recherche par rapport à la foi, ou se disant non croyantes mais intéressées par ce genre de rencontres.
Nous voulons progresser sur ce point, en poursuivant et en intensifiant des efforts déjà engagés par des paroisses, des mouvements, des communautés religieuses, en multipliant des lieux de rencontres, des groupes de parole.
20. La mise en place de ces communautés de proximité dépend de nos possibilités et de critères qu'il faut évaluer: histoire du quartier, type de population, lieu de travail marquant, acteurs présents ou capables d'émerger, moyens techniques et financiers possibles, signification évangélique de l'effort entrepris, questions importantes pour la vie sociale...
21. Leur fonctionnement demande d'avoir une équipe qui prenne en charge ces lieux de proximité, avec des personnes qui sachent
tisser des liens.
Cela suppose de prévoir leur soutien et leur accompagnement.
Et de proposer une formation de base, adaptée aux possibilités de ces personnes.
22. Pour que ces groupes soient bien des communautés d'Église, elles doivent avoir reçu une mission et permettre à leurs membres:
___. de partager la vie
___. de partager la Parole de Dieu, de prendre goût à cette Parole
___. de s'ouvrir à d'autres personnes, chrétiennes ou non, avec le souci d'un réel échange où chacun donne et reçoit
___. de prier et célébrer
___. de s'ouvrir à d'autres lieux d'Église.
Tous ces points ne sont pas nécessairement acquis dès le départ ni mis en œuvre de la même façon selon les différents groupes.
Ils indiquent un chemin sur lequel avancer, ce qui ne va pas sans conversions de la part des participants.
d) Proximité et communion
23. L'Église est "communion de communions".
Nous avons à conjuguer solidarité avec un groupe humain particulier dans des petites communautés fraternelles et participation
à une vie ecclésiale plus large. La proximité ne va pas sans temps de regroupement.
L'Eucharistie dominicale est le premier d'entre eux parce qu'elle nous rassemble dans la mémoire du Christ mort et ressuscité.
24. Dans l'encyclique déjà citée,Jean-Paul II présente ainsi l'exigence de la communion pour la mission:
« Les responsables et les agents de la pastorale missionnaire doivent se sentir unis dans la communion qui caractérise le Corps mystique.
Le Christ a prié à cette intention à la dernière Cène:
"Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé." (16)
C'est dans cette communion que réside le fondement et la fécondité de la mission.
Mais l'Église est également une communion visible et organique et c'est pourquoi la mission requiert une union extérieure et ordonnée entre les diverses responsabilités et les diverses fonctions, de façon que tous les membres dépensent leurs forces d'un même cœur
pour la construction de l'Église. » (17)
25. Pour que cette communion porte tous ses fruits, il faut aussi trouver les moyens d'un travail en réseau qui permette aux chrétiens de se connaître, de s'informer sur leurs activités, de s'enrichir de l'expérience des autres, de grandir dans une confiance réciproque.
Nous avons à beaucoup progresser sur les questions de communication: pas seulement communication d'informations, mais aussi
partage d'expériences, partage de ce qui nous fait vivre, qui nourrit la prière de chacun et l trouve son expression dans une prière commune.
Nous veillerons aussi à donner leur place à ceux qui sont les moins présents immédiatement, notamment les malades, les enfants, les jeunes.
26. Favoriser un travail en réseau, en maillage permettra d'éviter de présenter la figure d'une Église Mère (la paroisse du centre!)
avec des succursales.
Il y aura toujours une tension entre lieux de proximité et lieux de regroupement.
Une bonne connaissance, une estime réciproque et une confiance mutuelle entre les différents acteurs peuvent rendre cette tension bénéfique et stimulante.
e) Des choix à faire
27. Dans une rencontre entre des Équipes d'animation paroissiales (EAP) avec notre évêque, un des carrefours s'exprimait ainsi:
«Nous sommes appelés à passer d'une EAP de fonctionnement à une Église créative. » Cela ne se fera pas sans porter des projets,
ce qui suppose de savoir faire des choix. Ce sera la responsabilité des équipes pastorales d'y veiller.
Nous ne pouvons pas rêver la vie de notre Église sur des modèles qui ont fait leurs preuves dans le passé mais qui ne sont plus adaptés à notre situation actuelle.
Oser faire du neuf, c'est pour nous la seule façon d'être fidèles au meilleur des intuitions qui nous ont guidées et fait vivre
hier et qui conservent toute leur pertinence pour demain.
28. Nous aurons aussi des choix à faire pour qu'au milieu de tout ce qu'il y a à faire, nous prenions le temps de vivre, d'être
nous-mêmes et de trouver notre compte dans l'exercice de nos responsabilités, ce qui ne va pas sans temps gratuits d'écoute de
la Parole de Dieu, de relecture, de respiration.
13 Synode du diocèse de Saint-Denis - L'Évangile dans la ville n° 6
14 Philippiens 4, 8
15 Jean-Paul II - Encyclique sur la Mission du Rédempteur (Redemptoris missio) n° 51
16 Jean 17,21
15 Jean-Paul II - Encyclique sur la Mission du Rédempteur (Redemptoris missio) n° 7S
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