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La foi n'a pas disparu; elle est vécue quotidiennement par tous les pratiquants, dans de multiples renaissances, autant dans des mouvements que dans des monastères, des paroisses et des centres vivants ; et les 10 000 catéchumènes adultes dans l'Hexagone manifes1ent une réelle soif spirituelle.

Pourtant, en France, le tissu ecclésial est de plus en plus dis1endu. Depuis cinquante ans, la pratique religieuse a fortement baissé, et le nombre de prêtres suit la même courbe globale, comme celui des religieux - malgré le maintien à un niveau très faible du nombre d'ordinations depuis une trentaine d'années. Les religieuses, e1les-mêmes, ne peuvent plus assurer les multiples taches ni la très grande présence qui était la leur.

Le catholique d'aujourd'hui se trouve alors face à un double défi : d'une part, vivre sa foi dans un contexte de liberté, de loisirs, de consommation, de distraction - au sens pascalien du terme - qui ne facilite pas une orientation de sa vie vers Dieu; d'autre part, participer à une vie ecclésiale dont les structures sont de moins en moins visibles et de plus en plus lointaines.

Sur ces deux points, le Motu proprio ne dit rien; ce n'était pas son objet.
Il s'agissait de régler un problème interne. La même remarque peut d'ailleurs être faite à propos du document de la Congrégation pour la doctrine de la foi, publié peu après sur les Églises chrétiennes, qualifiant l'Église catholique de Véritable Église du Christ.

Mais la période qui suit devra s'ouvrir au rapport au monde, affronter les difficultés de ce temps et donner les moyens aux catholiques de vivre leur foi dans des communautés chrétiennes qui pourront les soutenir.

Il ne revient pas à une revue de donner des solutions, mais de poser pour le moins des questions. La communauté chrétienne peut-elle remplir désormais son rôle de soutien de la foi de chaque croyant? Le prêtre, responsable de la communauté, est le plus souvent débordé, tiraillé entre de multiples taches, courant d'une paroisse à l'autre, chargé de nombreux clochers.
En dehors de Paris et des très grandes villes de France, le tissu ecclésial se distend par la simple diminution des rassemblements eucharistiques.
Les communautés chrétiennes territoriales sont devenues si étendues, que leurs responsables sont loin de la vie quotidienne de chacun.
Comment les communautés vivront-elles lorsqu'il n'y aura plus que vingt ou trente prêtres dans certains diocèses? La question des ministères est ainsi posée. Elle a déjà beaucoup évolué avec la multiplication des diacres et la diversification des missions données à des laïcs - ce qui permet d'assurer une présence ecclésiale essentielle.
Mais d'autres évolutions sont nécessaires pour rendre l'Eucharistie plus accessible aux communautés.

Chacun pourra alors s'affronter à la difficulté de vivre en chrétien dans la culture contemporaine. Ce défi n'est pas le moindre. Le mode de vie matériellement facile que nous avons dans nos pays, la liberté extrême et absence de repères qui le caractérisent, demandent de la part des chrétiens un enracinement très profond de leur foi, y compris face à la dérision dont ils sont l'objet dans les médias.
Il revient alors à l'Église d'encourager et de soutenir les croyants, en s'appliquant à elle-même celle devise si sauvent citée: "N'ayez pas peur".
De quoi aurions-nous peur, en effet, si nous crayons profondément à la force de l'Évangile, à sa capacité d'appel de tout homme, à sa puissance de conversion ?
Encore faut-il y mettre du nôtre, en prenant en compte les changements de ce monde.


Pierre de Charentenay s.j.

* Yves Lambert, Dieu change en Bretagne. La religion à Limerzel, de 1900 à nos jours, Ed. du cerf, 1985, 452 pages.

Études - 14, rue d'Assas - 75006 Paris - sep1embre 2007 - n° 4073, p. 149 - 152