Lettre N° 2 de Mgr Olivier de Berranger évêque de Saint-Denis





Saint-Denis, le 11 juillet 2007
En la fête de Saint Benoît

Aux prêtres, aux diacres,
aux communautés religieuses,
à tous les catholiques du diocèse

Au sujet du Motu proprio "Summorum Pontificum"

Chers Amis,

Comme je vous l’écrivais dès le 5 juillet, à la veille du pèlerinage diocésain à Lourdes, je tiens à vous envoyer maintenant un autre courrier au sujet du décret publié par Benoît XVI le 7 juillet, dont l’entrée en vigueur est fixée au 14 septembre prochain. Le temps d’été n’est pas favorable à de longs discours. Mais il me paraît important, pour la rentrée pastorale, d’être unis dans les mêmes dispositions, ouverts cordialement à l’intention profonde du successeur de Pierre. Certains peuvent penser que ce domaine de la liturgie prend décidemment trop de place, qu’il y a d’autres urgences, etc. Je crois pour ma part qu’un accord profond dans l’Eglise sur l’expression publique de sa prière peut être source d’élan nouveau pour témoigner de la joie du Christ dans le monde.

A y regarder de près (ce que je conseille de faire en se procurant le texte du décret et la lettre du Pape aux Evêques parus dans La Croix du 9 juillet), il s’agit moins de normes nouvelles que d’une extension du champ d’application du décret Ecclesia Dei de Jean-Paul II (2 juillet 1988), qui, déjà, donnait un cadre pour l’usage du Missel de 1962. Après avoir consulté Catherine Pic, qui achève son mandat comme déléguée diocésaine à la Pastorale liturgique et sacramentelle, je suis en mesure d’apporter les précisions suivantes.

Quels sont les points importants du motu proprio ?

1. Tout prêtre peut célébrer la messe sans assemblée, selon la forme ordinaire ou extraordinaire du rite en vigueur dans l’Eglise latine, quel que soit le jour, sauf durant le Triduum pascal où il est invité à se joindre aux célébrations communes.
Forme ordinaire : il s’agit de la célébration correspondant à la réforme de 1970, voulue par le Concile Vatican II, selon les livres liturgiques promulgués par Paul VI.
Forme extraordinaire : il s’agit de la célébration correspondant aux livres liturgiques édités par Jean XXIII en 1962 qui reprenaient ceux hérités du Concile de Trente en les débarrassant de formules désobligeantes pour le peuple juif.

2. Un groupe stable de paroissiens peut demander au curé la célébration de la messe selon le missel de 1962. Le curé peut volontiers accéder à la demande s’il discerne le bien-fondé de celle-ci (enrichissement spirituel) et s’il juge la chose possible, sans dommage pour l’unité de la communauté. Je précise que le modérateur d’une équipe pastorale a les mêmes facultés. Il faut se souvenir que « modérer » (dans le sens latin, moderare) signifie « garder » et « promouvoir ». Si la chose ne semble pas possible sur place, le curé ou le modérateur en réfèrera au délégué diocésain à la Pastorale liturgique et sacramentelle afin de chercher avec moi comment répondre au mieux au cas par cas.
Groupe stable de paroissiens : Le décret n’autorise pas la célébration de la messe selon la forme extraordinaire en fonction du goût d’un chacun. Ceux qui le demandent doivent être connus comme « fidèles » de la paroisse et représenter un nombre conséquent, désireux de vivre en communion avec l’ensemble de la communauté.

3. Dans la lettre de Benoît XVI aux évêques, celui-ci souligne que « pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres », parce que ce ne serait pas cohérent avec « la reconnaissance de la valeur et de la sainteté » de la forme ordinaire promulguée au Concile.

Il est vrai que nous n’avons pas ce type de communauté dans le diocèse. Mais la remarque permet de vérifier combien le Saint Père est attaché à la « forme ordinaire », c’est-à-dire à la liturgie issue du Concile, qu’il ne dissocie pas de la Tradition ecclésiale. Ce qu’il nous demande à tous, c’est d’aimer et de faire aimer cette liturgie : « La meilleure garantie pour que le Missel de Paul VI puisse unir les communautés paroissiales et être aimé de leur part est de célébrer avec beaucoup de révérence et en conformité avec les prescriptions ; c’est ce qui rend visible la richesse spirituelle et la profondeur théologique de ce Missel. »

Un esprit à mettre en œuvre
Il est vraisemblable que nous aurons des réticences sur ces dispositions. Est-ce un « retour en arrière » par apport au Concile ? Va-t-on vers un raidissement de l’institution, oublieuse du souffle missionnaire qui a travaillé l’Eglise il y a 40 ans ? Les « tradis » ne vont-ils pas crier victoire ? Se contenteront-ils de ces mesures liturgiques ? Ne veulent-ils pas remettre en cause les progrès de l’œcuménisme, le dialogue entre religions dans l’esprit d’Assise, la collégialité des évêques au service d’une mission multiforme, la liberté religieuse elle-même ?

Toutes ces questions ne sont pas dénuées de fondement. Mais le Pape (qui fut lui-même un théologien avisé de Vatican II), après avoir longuement réfléchi, consulté, prié, sait tout cela et nous dit, au fond : « L’amour excuse tout, croit tout, espère tout, endure tout » (1Co 13,7)
Relisons son exhortation apostolique sur Le Sacrement de l’Amour. Honnêtement, nous y trouverons matière à renouveler en profondeur notre foi et notre pratique eucharistiques, sources de charité dans la vérité. Et donc de confiance.

A la rentrée, je serai à votre disposition pour reparler de tout cela si vous le souhaitez.
Que la paix vous habite !

Votre évêque,
+Olivier de Berranger