L'encyclique sociale de Benoît XVI
Le texte de l'encyclique est d'environ 130 pages. Voici des extraits des principaux paragraphes. Les chiffres entre parenthèses renvoient aux paragraphes du texte original. Il faut admirer le courage du pape.
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Commentaire de Jean-Yves Calvez (CERAS, Centre Sèvres, jésuite): cliquez ici

Thèmes abordés par l’encyclique

A) P r o b l è m e s

a-La crise financière et économique actuelle

* La crise nous oblige à reconsidérer notre itinéraire, à nous donner de nouvelles règles et à trouver de nouvelles formes d'engagement, à miser sur les expériences positives et à rejeter celles qui sont négatives. La crise devient ainsi une occasion de discernement et elle met en capacité d'élaborer de nouveaux projets. C'est dans cette optique, confiants plutôt que résignés, qu'il convient de d'affronter les difficultés du moment présent.(21)

* Les dynamiques économiques internationales actuelles, caractérisées par de graves déviances et des dysfonctionnements, appellent également de profonds changements dans la façon de concevoir l'entreprise... (40)

* Un des risques les plus grands est sans aucun doute que l'entreprise soit presque exclusivement soumise à celui qui investit en elle et que sa valeur sociale finisse ainsi par être amoindrie... (40)

*...les entreprises ont de moins en moins à leur tête un entrepreneur stable qui soit responsable à long terme de la vie et des résultats de l'entreprise... (40)

* En outre, la fameuse délocalisation de l'activité productive peut atténuer chez l'entrepreneur le sens de ses responsabilités vis-à-vis des porteurs d'intérêts, tels que les travailleurs, les fournisseurs, les consommateurs, l'environnement naturel et plus largement, la société environnante, au profit des actionnaires, qui ne sont pas liés à un lieu spécifique... (40)

* Il est vrai cependant que l'on prend toujours davantage conscience de la nécessité d'une plus ample responsabilité sociale de l'entreprise... (40)

* Aujourd'hui nombreux sont ceux qui sont tentés de prétendre ne rien devoir à personne, si ce n'est à eux-mêmes. Ils estiment n'être détenteurs que de droits... C'est pourquoi il est important de susciter une nouvelle réflexion sur le fait que les droits supposent les devoirs sans lesquels ils deviennent arbitraires (43) -

b-La corruption
La corruption et le non respect des lois existent malheureusement aussi bien dans le comportement des acteurs économiques et politiques des pays riches, anciens et nouveaux, que dans les pays pauvres. Ceux qui ne respectent pas les droits humains des travailleurs dans les différents pays sont aussi bien de grandes entreprises multinationales que des groupes de production locale. Les aides internationales ont souvent été détournées de leur destination en raison d'irresponsabilités qui se situent aussi bien dans la chaîne des donateurs que des bénéficiaires... -
c-La mondialisation
* La société toujours plus globalisée nous rapproche; mais elle ne nous rend pas frères. La raison, à elle seule, est capable de comprendre l'égalité entre les hommes, et d'établir une communauté de vie civique, mais elle ne parvient pas à créer la fraternité (19)

* La vérité de la mondialisation comme processus et sa nature éthique fondamentale dérivent de l'unité de la famille humaine et de son développement dans le bien...

*... la mondialisation, a priori, n'est bonne ni mauvaise. Elle sera ce que les personnes en feront (Jean-Paul II). Nous ne devons pas en être les victimes, mais les protagonistes, avançant avec bon sens, guidés par la charité et la vérité (42) -
d-Ethique : qu’est-ce à dire
Aujourd'hui on parle beaucoup d'éthique dans le domaine économique, financier ou industriel... Ces processus sont appréciables et méritent un large soutien... Toutefois, il est bon d'élaborer aussi un critère valable de discernement, car on note un certain abus de l'adjectif 'éthique' qui, employé de manière générique se prête à désigner des contenus très divers, au point de faire passer sous son couvert des décisions et des choix contraires à la justice et au véritable bien de l'homme (45) -

e-Le tourisme international
*... (en bien de cas) le tourisme international est un facteur contre-éducatif aussi bien pour le touriste que pour les populations locales. Ces dernières sont souvent confrontées à des comportements immoraux ou même pervers... (61) -
f-Le phénomène des migrations
* C'est un phénomène qui impressionne en raison du nombre de personnes qu'il concerne des problématiques sociales, économiques, politiques, culturelles et religieuses qu'il soulève, et à cause de défis dramatiques qu'il lance aux communautés nationales et à la communauté internationale... (62)

*... phénomène social caractéristique de notre époque, qui requiert une politique de coopération internationale forte et perspicace sur le long terme afin d'être pris en compte de manière adéquate... (62)

* Tout migrant est une personne humaine qui, en tant que telle, possède des droits fondamentaux inaliénables qui doivent être respectés par tous et toute circonstance (62) -

g-Les formes nouvelles de compétition
...le marché a encouragé des formes nouvelles de compétition entre États dans le but de d'attirer les centres de production des entreprises étrangères, à travers divers moyens, au nombre desquels une fiscalité avantageuse et la dérégulation du monde du travail. Ces processus ont entraîné un affaiblissement des réseaux de protection sociale en contrepartie de la recherche de plus grands avantages de compétitivité sur le marché mondial, faisant peser de graves menaces sur le droits des travailleurs, sur les droits fondamentaux de l'homme et sur la solidarité mise en oeuvre par les formes traditionnelles de l'État social.... (26) -

h-Nouvelles limites de l’État
A notre époque, l'État se trouve dans la situation de devoir faire face aux limites que pose à sa souveraineté le nouveau contexte commercial et financier international, marqué par une mobilité croissante des capitaux financiers et des moyens de production matériels et immatériels. Ce nouveau contexte a modifié le pouvoir politique des États. (24) -

i-L’absolutisation de la technique
* Les phénomènes de la technicisation aussi bien du développement que de la paix montrent clairement que la mentalité technique a pu être détournée de sa source humaniste originaire. Le développement des peuples est souvent considéré comme un problème d’ingénierie financière, d’ouverture des marchés, d’abattement de droits de douane, d’investissements productifs et de réformes institutionnelles: en définitive comme un problème purement technique. Tous ces domaines sont assurément importants, mais on doit se demander pourquoi les choix de nature technique n’ont connu jusqu’ici que des résultats imparfaits. La raison doit être recherchée plus en profondeur. Le développement ne sera jamais complètement garanti par des forces, pour ainsi dire automatiques et impersonnelles, que ce soit celles du marché ou celles de la politique internationale. Le développement est impossible, s’il n’y a pas des hommes droits, des acteurs économiques et des hommes politiques fortement interpellés dans leur conscience par le souci du bien commun. La compétence professionnelle et la cohérence morale sont nécessaires l’une et l’autre. Quand l’absolutisation de la technique prévaut, il y a confusion entre les fins et les moyens:… (71)
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B) R é m è d e s
La solidarité - l’expérience du don
L'amour dans la vérité place l'homme devant l'étonnante expérience du don La gratuité est présente dans chaque vie sous de multiples formes qui souvent ne sont pas reconnues... (34)

* ...le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l'intérieur de l'activité économique normale. (36)

* La solidarité signifie avant tout se sentir tous responsables de tous, elle ne peut donc être délégué seulement à l'État. Si hier on pouvait penser qu'il fallait d'abord chercher la justice et que la gratuité devait intervenir ensuite comme un complément, aujourd'hui il faut dire que sans la gratuité on ne parvient même pas à réaliser la justice (38)

* Dans Populorum Progressio, Paul VI demandait que soit défini un modèle d'économie de marché capable d'intégrer, au moins tendanciellement, tous les peuples et non seulement ceux qui étaient en mesure d'y prendre part (39)

* Il est donc nécessaire que se forme une conscience solidaire qui considère l'alimentation et l'accès à l'eau comme droit universel de tous les êtres humains, sans distinction ni discrimination ... En soutenant les pays économiquement pauvres ... non seulement on peut produire une vraie croissance économique mais on peut aussi concourir à soutenir les capacités de production des pays riches qui risquent d'être compromises par la crise (27)

* Une des pauvretés les plus profondes que l'homme puisse expérimenter est la solitude... (53) L'homme est aliéné quand il est seul ou quand il se détache de la réalité, quand il renonce à penser et à croire en un Fondement... (53)

* Le développement des peuples dépend surtout de la reconnaissance du fait que nous formons une seule famille qui collabore dans une communion véritable et qui est constituée de sujets qui ne vivent pas simplement les uns à côté des autres... (53)

*... il faut qu'il y ait un renouveau de la pensée pour mieux comprendre ce qu'implique le fait que nous formons une famille... (53)
La confiance réciproque
Sans formes internes de solidarité et de confiance réciproque, le marché ne peut pas pleinement remplir sa fonction économique. Aujourd'hui, c'est cette confiance qui fait défaut, et la perte de confiance est une perte grave... (35) -
Les pauvres = une ressource
* Les pauvres ne sont pas à considérer comme un fardeau, mais au contraire comme une ressource, même du point de vue strictement économique (35) -

Contre la pure logique marchande
L'activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la simple extension de la logique marchande... (36) -
Un nouvel type d’entreprise
...il semble que la distinction faite jusqu'ici entre entreprise à but lucratif (profit) et organisations à but non lucratif (non -profit) ne soit plus en mesure de rendre pleinement compte de la réalité, ni d'orienter efficacement l'avenir... Il ne s'agit pas seulement d'un 'troisième secteur' mais d'une nouvelle réalité vaste et complexe, qui touche le privé et le public et qui n'exclue pas le profit mais le considère comme un instrument pour réaliser des objectifs humains et sociaux... Il est souhaitable que ces nouveaux types d'entreprise trouvent également dans tous les pays un cadre juridique et fiscal convenable (46) -

Centralité de la personne humaine
* La vérité du développement réside dans son intégralité: s'il n'est pas de tout l'homme et de tout homme, le développement n'est pas un vrai développement (18)

* Dans les interventions en faveur du développement, le principe de la centralité de la personne humaine doit être préservé car elle est le sujet qui, le premier, doit prendre en charge la tache du développement. L'urgence principale est l'amélioration des conditions de vie des personnes concrètes d'une région donnée, afin qu'elles puissent accomplir ces taches qu'actuellement leur indigence ne leur permet pas de remplir...

* ...il n'est pas suffisant de progresser du seul point de vue économique et technologique. Il faut avant tout que le développement soit vrai et intégral. Sortir du retard économique, fait en soi positif, ne résout pas la problématique complexe de la promotion de l'homme... (23)

* Je voudrais rappeler à tous, et surtout aux gouvernants engagés à donner un nouveau profil aux bases économiques et sociales du monde, que l'homme, la personne, dans son intégralité est le premier capital à sauvegarder et à valoriser. 'En effet, c'est l'homme qui est l'auteur, le centre et la fin de toute la vie économico-sociale' (26)

* Rappelons que la plus grande ressource à mettre en valeur dans les pays qui ont besoin d'aide au développement est la ressource humaine: c'est là le véritable capital qu'il faut faire grandir afin d'assurer aux pays les plus pauvres un avenir autonome effectif. (58) -

Principe de subsidiarité
Il s'agit... d'un principe particulièrement apte à gouverner la mondialisation et à orienter vers un véritable développement humain. Pour ne pas engendrer un dangereux pouvoir universel de type monocratique, la 'gouvernance' de la mondialisation doit être de nature subsidiaire, articulée à de multiples niveaux et sur divers plans qui collaborent entre eux. (57)
Le principe de subsidiarité doit être étroitement relié au principe de solidarité, et vice-versa... (58) -

Respect de la culture autochtone
* ...dialogue interculturel, dialogue qui, pour être réel, doit avoir pour point de départ la conscience profonde de l'identité spécifique des différents interlocuteurs (27)

* Les sociétés en voie de développement doivent rester fidèles à tout ce qui est authentiquement humain dans leurs traditions, en évitant d'y superposer automatiquement les mécanismes de la civilisation technologique mondiale... (59)

* Cette loi (loi naturelle) morale universelle est le fondement solide de tout dialogue culturel, religieux et politique...

* La foi chrétienne, qui s'incarne dans les cultures en les transcendant, peut les aider à grandir dans la convivialité et dans la solidarité universelles au bénéfice du développe ment communautaire et planétaire (59) -

Aide au développement des pays pauvres
* Dans la recherche de solutions à la crise économique actuelle, l'aide au développement aux pays pauvres doit être considérée comme un véritable instrument de création de richesse pour tous... (60)

* Une possibilité d'aide au développement pourrait résider dans l'application efficace de ce qu'on appelle communément la subsidiarité fiscale, qui permettrait aux citoyens de décider de la destination d'une part de leurs impôts versés à l'État (60)

* Une solidarité plus large au niveau international s'exprime avant tout en continuant à promouvoir, même dans des situations de crise économique, un meilleur accès à l'éducation, qui est par ailleurs la condition essentielle pour que la coopération internationale elle-même soit efficace... (61)

* Il convient alors d'imaginer un tourisme différent, capable de de promouvoir une vraie connaissance réciproque... (61) -

Un travail ‘digne’
* Que veut dire le mot « digne » lorsqu’il est appliqué au travail? Il signifie un travail qui, dans chaque société, soit l’expression de la dignité essentielle de tout homme et de toute femme: un travail choisi librement, qui associe efficacement les travailleurs, hommes et femmes, au développement de leur communauté; un travail qui, de cette manière, permette aux travailleurs d’être respectés sans aucune discrimination; un travail qui donne les moyens de pourvoir aux nécessités de la famille et de scolariser les enfants, sans que ceux-ci ne soient eux-mêmes obligés de travailler; un travail qui permette aux travailleurs de s’organiser librement et de faire entendre leur voix; un travail qui laisse un temps suffisant pour retrouver ses propres racines au niveau personnel, familial et spirituel; un travail qui assure aux travailleurs parvenus à l’âge de la retraite des conditions de vie dignes. (63) -

Les organisations syndicales de travailleurs
* En réfléchissant sur le thème du travail, il est opportun d’évoquer l’exigence urgente que les organisations syndicales des travailleurs, qui ont toujours été encouragées et soutenues par l’Église, s’ouvrent aux nouvelles perspectives qui émergent dans le domaine du travail… Le contexte d’ensemble dans lequel se déroule le travail requiert lui aussi que les organisations syndicales nationales… se tournent vers les travailleurs des pays en voie de développement où les droits sociaux sont souvent violés… L’enseignement traditionnel de l’Église reste toujours valable lorsqu’il propose la distinction des rôles et des fonctions du syndicat et de la politique. Cette distinction permettra aux organisations syndicales de déterminer dans la société civile le domaine qui sera le plus approprié à leur action nécessaire pour la défense et la promotion du monde du travail, surtout en faveur des travailleurs exploités et non représentés, dont l’amère condition demeure souvent ignorée par les yeux distraits de la société. (64) -

Le pouvoir politique des consommateurs
* L'interconnexion mondiale a fait surgir un nouveau pouvoir politique, celui des consommateurs et de leurs associations... (66)

* Il est bon que les personnes se rendent compte que qu'acheter est non seulement un acte économique mais toujours aussi un acte moral... (66) -

Le commerce équitable * Il est en outre utile de favoriser de nouvelles formes de commercialisation des produits en provenance des régions pauvres de la planète afin d'assurer aux producteurs une rétribution décente... (66) -

Écologie
* La communauté internationale a le devoir impératif de trouver les voies institutionnelles pour réglementer l'exploitation des ressources non renouvelables, en accord avec les pays pauvres, afin de planifier ensemble l'avenir (49)

* Nous devons cependant avoir conscience du grave devoir que nous avons de laisser la terre aux nouvelles générations dans un état tel qu'elles puissent qu'elles puissent elles aussi l'habiter décemment et continuer à la cultiver (50) -

Assainissement du monde financier
* Il faut enfin que la finance en tant que telle... redevienne un instrument visant à une meilleure production des richesses et au développement... (65)

* Les opérateurs financiers doivent redécouvrir le fondement véritablement éthique de leur activité afin de ne pas faire un usage abusif de ces instruments sophistiqués qui peuvent servir à tromper les épargnants... (65)

* Il faut que les sujets les plus pauvres apprennent à se défendre des pratiques usuraires... (65) -

Réforme de l'ONU
* ...l'urgence de la réforme de l'ONU comme celle de l'architecture économique et financière internationale... trouve un large écho... (67)

* il est urgent que soit mise en place une véritable autorité politique mondiale...

*... un degré supérieur d'organisation à l'échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation... (67)