Éditions
Obsidiane
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Tristran
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Le livre (dont
on trouve les premières traces dans Le Hasard,
publié en 2004 par Obsidiane) transporte la
légende de Tristan à la fin du dernier
siècle, au milieu de la crise irlandaise qui secoue alors le
Royaume-Uni. Mais seul importe l’amour sauvage et
désespéré unissant les amants, qui ne
peut se résoudre que dans la mort :
Ils veulent subir
cette passion qui les blesse
Et que toute leur
raison condamne...
Le poème
interprète
librement le récit,
restituant l’ambigüité que les
altérations du temps donnent aux anciens manuscrits.
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Extraits
.VII.
Sur la table poisseuse un
journal
déchiré
IRISH INDEPENDENT
quatre
feuilles tachées
Une lune de bière et des cendres Le titre
Est bu par le papier les noms mutilés Tristr
Seul à l’écart au milieu des ombres
Je déchiffre sans tressaillir les mots aventureux
Mort et larmes et de
nouveau mort
La vérité ce soir n’est pas mon orgueil
Et faisant malgré moi de ces méchants
éclats
Un miel suave Tristan ! ma main court
Au revers d’un billet de tombola
Et je rêve enlevé par la ale
douce-amère
O s’éprendre à nouveau
agenouillé
Dans la terre molle et louer les amants
Dégageant de la tourbe deux formes nouées
Aux membres disloqués pris dans les racines
Proies d’un désir pétrifié
qu’un souffle peut-être
Va ranimer et rendre à leur folie les yeux
Dessillés les membres lavés les parties molles
Gonflées par les humeurs sièges des vertus
Et des passions Si grande joie si grand...
Et tressaillant un doigt sur leurs plaies
Éprouver leur destinée...
.Les fragments.
Le jour est
déjà
haut et la
lumière est maigre. dans l’embrasure de la
fenêtre
un jardin de buis. une allée crayeuse bute sur un mur. son
esprit s’évade. il n’aime pas cette
fable cruelle,
un amour sauvage inconnu parmi nous. il compte et numérote
les
lignes. si longue arithmétique avant d’atteindre
à
cette leçon qu’il ne sait formuler. Je
ne sais ce que j’en dis...
Quarante lignes par colonne, deux colonnes par page. semaine
après semaine, la compagnie des merles, puis le
grésil
qui fait étinceler les toits. longue peine à
réinventer un sentiment perdu. des noms incertains, des mots
à demi oubliés, barrés un à
un dans la
nomenclature.
Puis le livre se perd. dévoré par les cafards.
moisi par
les orages. dépecé pour ses images à
la sanguine.
recouvert par l’épopée d’un
demi-saint de
campagne. emporté dans l’incendie d’un
séminaire protestant.
Un jour, dans la reliure d’un cartulaire, on en retrouve un
feuillet coupé en deux à mi-hauteur. le couteau a
emporté tout un bord : au recto, le début des
vers de la
première colonne ; au verso, les rimes de la seconde. une
strophe est cachée dans la reliure. le récit bute
sur un
vers boiteux. Si grande joie si gran[de]...
De 13 000 vers n’en restent que 3 000, parfois
amputés de
moitié. cinq fragments : l’île,
l’union, le
verger, et la salle aux images. puis c’est la fin. sur une
vignette, les amants sont assis côte à
côte. il
tient sa main, elle penche le front vers lui. ils sont
enveloppés dans le rouge comme dans un brasier.
Nous ajustons des bribes. nous calculons. nous rêvons
d’une unité perdue.
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