Éditions Obsidiane

Gérard Cartier

Introduction au désert

 
 

L'Introduction au désert (1996) est une méditation sur la tragédie du Vercors, à l'ombre duquel l'auteur a vécu son enfance. Ce livre, qui prend la forme de courts poèmes, constitue une introduction au livre suivant (Le Désert et le Monde, Flammarion) qui développe le récit de la fin des maquis en y mêlant les personnages d'un roman.



Critiques

Gérard Cartier se fonde sur la circonstance, mais il la pérennise en évoquant un temps du souvenir et des forces élémentaires au-delà des temps particuliers. Œuvre de mémoire sans facilité ni complaisance, Introduction au désert suscite une émotion tout à fait originale, par la pureté de l'expression et la présence si dominée des strates temporelles.       Marie-Claire Bancquart (Europe, février 1997)



Extraits


.III.

Parfois           un pouce entre les pages           écoutant
l’obscure leçon           j’entends au loin des pas
des souffles dans les pins alourdis           en ce temps
l’été 43
...           comme si rien n’était écrit
comme si dans cette aube fossile           des enfants
erraient toujours           taciturnes           les pieds
et les mains blessés           fuyant les années

mais rien ne nous répond           les bois sont libres
les partisans muets et les lauriers coupés
il n’y a que le vent à me renifler
les nuages qui déplacent les crêtes           et le froid
qui apaise le sens


.V.

Ils fuyaient           poussés par la cendre des bûchers
leurs blessés suspendus entre deux verges

Clément           Hervieux           ceux de Bouvante et d’Ambel
chancelants           ivres d’une plainte mordue

rien ne passe la douleur et la mort...
une voix portée d’âge en âge


.XV.

Et j’ânonne à mon tour l’implacable leçon
jamais           ne changera           nunquam...

ne poursuivant déjà que l’herbe et le vent
étages mobiles qui recouvrent la trace
des supplices           et disent           la douleur est moins
que l’esprit du vent           moins les plaintes
et les noms répandus           que les tiges oscillantes

comme sont loin ces lieux amers           retirés
sous la houle des herbes           où seul parfois
si le pied bute           le cœur se trouble et devine


.XXXVI.

Habiter les monts           les villes du désert
le cœur et la langue des bourreaux
et qu’au sommet de V. une dernière fois
sonne le désordre des mots

un réduit aérien que frappe le soir
sur un pas d’herbe sombre deux torrents
tombant d’une grotte peinte

et quarante blessés sous les étoiles noires
...


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