Éditions Obsidiane
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Le hasard
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Le hasard (2004) est un recueil de "petits brevets décousus" dont les liasses réunies
composent une autobiographie imaginaire. Les poèmes amoureux du début font place à un longue errance, qui fait à la fin
retour dans les montagnes du début. L'auteur y traverse le dernier demi-siècle : aux évènements qui l'ont agité (la
guerre d'Algérie, la tragédie du Liban) se mêlent les passions élémentaires, sur le modèle des poètes chinois de l'âge
d'or.
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Critiques
On retrouve dans ce long poème les qualités et la rigueur formelles qui caractérisent le travail de Gérard Cartier
- dont la démarche tout à fait originale n'est pas encore située à sa vraie place. Une belle et sévère leçon,
d'écriture et d'écoute, malgré la suspicion que le monde soulève parfois en nous.
Yves di Manno (Vient de paraître, Juin 2004)
Les poèmes de Gérard Cartier font remonter en eux les voix multiples de l'Histoire, petite
et grande. Il suit finement, avec une pudeur exemplaire, le destin géologique de nos expériences, jusqu'à toucher
cette émotion appelée poésie (Reverdy).
Emmanuel Laugier (Le Matricule des anges, Juillet 2004)
Inventorier sa vie, la vie, sans céder à la facilité, à la platitude ou à l'emphase, voilà la réussite pleine et
entière de Gérard Cartier dont le livre regorge de beautés, et le regard de lucidité.
Charles Dobzinski (Europe, Juin 2004)
Gérard Cartier nous donne une véritable somme poétique qui couvre ses dix dernières années de création. Cartier
nous donne, entre autres, à lire, sous le titre Al Jazaïr, trente-trois amples poèmes d'une authenticité et
d'une beauté foudroyantes, miracle de l'écrivain visionnaire...
Bernard Mazo (Aujourd'hui Poème, Septembre 2004)
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Extraits
Les ursulines
Ce soir je veux de rien écrire une élégie
un ciel
et des pruniers en neige
et son pas petit divisant
la blancheur
L’amour n’est pas avide il ne veut qu’un
rien des chants et des plaintes
et il fait d’un enclos
un monde vaste
au-delà de son désir
Presque rien une ancienne terrasse
sous un mont grossier  
où il faudrait
comme autrefois se mordre les lèvres
et ne pas
tressaillir
Mais rien ne sait l’asservir
et il va sans entrave
comme au fond du jardin
où sont merles et geais
l’esprit des ursulines
courant dans la neige au-delà
de la tombe usée...
Le Norois
Lande humide vers le côté d’Irlande
Aux rochers alignés sous la trace des vents
Saint-David pas de route plus avant
Il tenait cette aire nue circulaire
Sommet de mamelon d’où deux mers
S’offrent au désir une vie sauvage
L’essentiel les mouettes dans le nuage
L’herbe rase et les flots et l’âme
Fendue comme une pierre d’ogham
Priant pas de viande et pas de femme
Le hasard
Jazaïr Farasan, VI 79
Passé le tropique l’axe se perd entre des îles
Tessons d’argile abandonnés par les dieux
Où parfois une excavatrice
Remonte au jour sous un masque d’or
Un cadavre carbonisé
Leurs fils sont de maigres figures d’os
Qui savent pourtant quand le soir vient
Avec la bouche imiter le chant
D’oiseaux disparus dans un siècle lointain
Avant bien avant que l’on sût y unir
L’harmonie des vers du temps
Que la terre était molle
Et moi aussi si j’osais je voudrais
Ecrire une élégie dans un goût ancien
Assis sur le pont entre les treuils
Le Coran aux genoux et rêver
La lèvre froncée sur le bout du stylo
Nora
Penche-toi sur mon épaule et guide ma main
nomme les villes et les choses
les montagnes serrées comme des moules
nomme les plaisirs
et la douleur pareillement ach chams
le soleil
sanawat les années
et la mémoire
az zaakira...
Apprends-moi la patience et le regret d’un pays
si proche que presque à le toucher
le soir sur la terrasse
debout sur la pointe des pieds les
larmes te viennent seules des collines sèches
entassées dans le sud
comme un ciel d’orage
entre deux tours étrangères
Pourquoi bâtir et redresser pourquoi
si elle vise au hasard
tracer dans la poussière une ligne profonde
Nora apprends-moi cette terre
al awda
le retour Filastiin...
nomme ce qui n'a pas de nom
et penchée sur mon épaule guide ma main qui
erre ...
La solitude
Dans un éclat de vitre un visage inconnu
Crusoe 50 ans maigre barbe œil fuyant
Oisif appuyé au montant de la fenêtre
Trois sapins sortent de trois pierres Plus étroit
Le jardin que le pas de l’enfance Respirer
Son encens Grands asters églantines sauvages
De quoi être et ne pas se perdre La brise
Est douce De très vastes distances jusqu’au ciel
Et des livres pour la raison Ohé Béroul Leopardi
Amants buveurs de philtres dont la devise
M’a si longtemps troublé Rêveurs impénitents
Je ne vous aime plus Mais prendre l’air
Sous la lune à deux croissants Et boire
Une manche passée dans la ceinture
Laissant sur l’allège voler la feuille blanche
Et se perdre une vie volatile plus
Que le chant du coucou Le toit s’abîme
Le vent ploie les sommets Être à soi-même sa règle
Léger comme un esprit dans la maison fendue
Sous la lumière qui ne sait pas mentir
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