Historique
Sur le chemin du dialogue...

 

Laïcs, catholiques, juifs et musulmans ensemble

Voilà ce que titrait le dernier numéro du journal de la ville de Saint Ouen décembre 2004. Comment en est-on arrivé à cette harmonie et à ce plaisir exprimé sur les visages de cette photo, rassemblant comme un défi, la Maire de Saint Ouen, des élus laïcs et les représentants des trois communautés religieuses? Habituellement les médias semblent plus sensibles à ce qui divise plutôt qu'à ce qui rassemble! A Saint Ouen, Madame la Maire (communiste) a fait le pari que les différences entre les communautés religieuses dues à leur histoire passée et récente, tant sur le plan culturel que religieux, ne devaient pas constituer des obstacles infranchissables à un dialogue dans le cadre d'une saine laïcité. Le projet d'un mieux vivre ensemble sur cette commune (dont la population est très diversifiée, plus de 50 nationalités composent la communauté catholique) concerne tous et chacun. Elle est partie du postulat que des hommes de bonne volonté désireux de paix puissent devenir les vecteurs, parmi d'autres, d'une cité où l'on ne rêve plus la paix mais où on la construit concrètement en actes, ici et maintenant. Dès avant la guerre en Irak, celle-ci laissant augurer des tensions inter-communautés, Madame le Maire avait nommé, dans le conseil municipal, une élue chargée des relations avec les communautés religieuses, épaulée par le directeur-adjoint des services municipaux. C'est donc naturellement, et peut-être avec une pointe d'habileté politique, que Madame la Maire s'est donc ingénié à favoriser autant que cela lui était possible les rencontres entre les responsables des communautés des grandes religions sur sa ville: le Père Eric Récopé, responsable de la communauté catholique, Monsieur Ben Chimol président de la communauté juive et Monsieur Mérouane président de la communauté musulmane. Elle n'aura pas trop d'effort à faire car ces hommes sympathiseront très vite, en découvrant que c'était déjà le désir qui habitait secrètement le cœur de chacun. La première rencontre eut donc lieu à la Mairie pour les Vœux traditionnels de début d'année offerts spécialement aux trois grandes communautés religieuses de la ville et où se retrouvèrent une quinzaine de personnes de chaque communauté. Cette invitation officielle du Maire marquait la reconnaissance et l'entrée dans la vie publique des groupes religieux de la cité, non plus tacitement mais officiellement.


Rencontre interreligieuse à Saint-Ouen
(photo crédit: Pascal Raynaud)

Le verre à la main, l'occasion était propice pour échanger et un climat de confiance s'instaura assez facilement, permettant de mettre en route des visites réciproques à l'occasion des grandes fêtes religieuses ou événements importants dans chaque communauté. C'est ainsi que des délégués des communautés juives et musulmanes vinrent partager le pique-nique de la fête inter paroissiale, et qu'à un autre moment les chrétiens, qui le souhaitaient, purent, dès la sortie de la messe, se joindre à la cérémonie officielle inaugurant, dans le square qui jouxte l'église, le monument à la mémoire des juifs habitants de Saint Ouen, morts en déportation. Les délégués de la communauté catholique ont pu se joindre à la prière à la synagogue pour la Pâque ou la fête du Yom Kippour et même y prendre la parole aux côtés de musulmans et d'élus. C'est à l'occasion de la fête de la fin du Ramadan que « les frères» ont pu se retrouver à la mosquée pour partager un excellent repas, après les échanges de vœux A l'occasion de la fête des 100 ans de l'église, le Père Eric Récopé avait invité, parmi d'autres témoignages, la vice-présidente de l'Association pour l'érection du mémorial des juifs déportés, Mme Schulman. Elle dira ce qu'elle avait vécu durant cette terrible période. Elle a aussi exprimé sa reconnaissante aux familles catholiques de Saint Ouen d'avoir caché des voisins juifs pendant la guerre, et à des religieuses de lui avoir sauvé la vie en la cachant, sans jamais avoir tenté de la convertir. Le catholicisme est reconnu comme la religion de référence sur le plan local et les autres communautés demandent parfois au prêtre d'être leur porte parole auprès de la municipalité pour appuyer certaines de leurs demandes. Cependant beaucoup de paroissiens restent encore réservés en ce qui concerne les relations avec les autres communautés, surtout parmi les immigrés ayant connu des tensions et même des persécutions dans leurs pays d'origines (Palestine- Israël, ou en pays où l'Islam est dominant). Mais peu à peu le climat se détend, car les responsables informent régulièrement les fidèles des échanges et des initiatives en cours, relayés par le journal communal qui a un grand impact sur la population locale. On découvre, de part et d'autre, qu'une connaissance sur le terrain, dans un partage fraternel est source d'enrichissement. On commence à prendre conscience que les relations peuvent être profitables à plusieurs niveaux, en particulier que les échanges inter religieux sortent les communautés de leur isolement social et les intègrent à la vie publique.




 
 
Des jeunes lycéens de Saint Ouen, ont participé à un voyage en Pologne sur les lieux de la Shoah, il ont été impressionnés et ont dit en rentrant que " tous les jeunes devraient y aller» ! ". Madame le Maire avait écho de toutes ces avancées, elle n'en était plus l'initiatrice, mais se réjouissait que les choses aillent dans un renforcement des liens tant entre les religions, qu'avec les instances publiques locales. Après les avoir sollicités, elle allait, elle aussi, être sollicitée ainsi que son conseil municipal, et les pouvoirs publics.  En septembre 2005, un événement. allait mettre en action l'ensemble  des acteurs! . Des familles, surtout maliennes et musulmanes, expulsées  de leur squat se trouvaient a la rue et soutenues par les militants du DAL vinrent trouver refuge devant l'église après de multiples  pérégrinations. Le curé et les responsables de la paroisse voulaient bien les accueillir momentanément, mais quelle issue viable et durable pour la suite? Le responsable de la communauté musulmane se joignit à l'accueil et à la réflexion pour la recherche d'une solution. Hélas, personne n'avait de solution réaliste à proposer! Et cette situation était celle de tant d'autres! Et c'est, sur le constat de leur impuissance, qu'au lieu de baisser les bras, sur l'invitation du curé, les responsables des trois communautés décidèrent de se rencontrer pour étudier le problème ensemble. De cette rencontre naquit une déclaration solennelle faisant appel aux pouvoirs publics pour prendre en compte ce problème, très grave du logement, et des familles à la rue avec leurs petits enfants. Ils la signèrent et l'adressèrent aux responsables à tous les échelons de la vie publique: cité, département, région. Elle fut affichée sur tous les panneaux municipaux, relayée dans la presse écrite, la TV. . .. Cette unanimité des groupes religieux ne pouvait pas laisser indifférents les pouvoirs publics et, chacun à son niveau, du Maire au Préfet de Région, montra qu'il prenait un intérêt soutenu à ce problème soit par des réponses concrètes pour pallier à l'urgence soit par des solutions à étudier pour qu'à l'avenir ces expulsions ne débouchent pas en l'abandon sur les trottoirs des familles touchées. Enfin, les responsables mettent la dernière main à un temps d'échange et de prière pour la paix, fin juin, qui rassemblera les communautés et auquel seront plus particulièrement associés les enfants. « Ils sont l'avenir! » Voilà, concrètement comment des rencontres inter religieuses peuvent se développer, créer un nouveau climat basé sur la confiance réciproque et le respect de la différence, tout en favorisant des actions au service des habitants de la cité. Chaque communauté y trouve son intérêt, son emichissement grâce à l'ouverture sur les autres et ainsi, petit à petit, grâce à des hommes de dialogue, la paix avance.