_____Hommage à Marcel Carrier
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Discours prononcés devant la plaque commémorative
(29-04-07)
au nom de différentes forces vives du Département

Mgr Olivier de Berranger,
évêque de Saint-Denis.
 

« C'est une joie et une fierté pour notre Eglise locale de participer à cette commémoration, dans la mémoire vive de Marcel Carrier, ancien jociste de la Fédération Nord de Paris (nous avons sous les yeux le drapeau qu'il a sans doute porté), mort pour témoigner de sa foi en déportation. Nous unissons son souvenir à celui de René Rouzé, jociste de Livry-Gargan, et Fredo Dall'Oglio, fils d'immigrés italiens, jociste lui aussi, de la section de Romainville. Tous les trois, avec d'autres chrétiens, ont témoigné jusqu'à la mort, auprès de camarades croyants ou non, pour défendre la liberté, à cause d'un amour vrai de leur patrie. René et Fredo étaient fiancés. J'ai correspondu avec la fiancée de René, toujours vivante, qui espère voir le jour où l'Eglise universelle reconnaîtra la sainteté de ces jeunes hommes. Quant à Marcel Carrier, lui, il s'était marié jeune et ce n'est pas le moindre aspect de son témoignage que sa fidélité à l'amour de sa femme et de ses enfants. Je souhaite que les jocistes d'aujourd'hui, et d'autres jeunes aussi, aient accès aux lettres qu'il nous a laissées, signe de sa vie militante, de son christianisme ardent, et de son amour des siens. »
Madame Jacqueline Rouillon,
maire de Saint-Ouen


"Je suis très heureuse d'honorer aujourd'hui avec vous la mémoire de Marcel Carrier, jeune Audonien, membre de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, résistant, mort en martyr le 6 mai 1945.
Cette journée nationale de la déportation marque le 85ème anniversaire de sa naissance. Je suis d'autant plus fière d'inaugurer aux cotés des associations d'anciens combattants et de déportés, des représentants de la communauté religieuse et de la JOC, des élus et de tous les Audoniens présents, que cette plaque commémorative est pour ma part, porteuse de symboles et de valeurs qui me sont chers à moi-même comme à l'ensemble de la municipalité.
En effet, l'identité de notre commune s'est construite sur des valeurs de résistance, de solidarité et d'humanité qui se sont traduits, dans l'histoire de Saint-Ouen, par la volonté de nous retrouver ensemble autour de grandes causes.
Audonien, Marcel Carrier, connaissait bien ce lieu et ce quartier où nous sommes réunis ce matin. II vivait rue Nicolet, juste derrière le square Marmottan, à deux pas d'ici, avec sa femme et ses filles. C'est aussi dans cette église, Notre Dame du Rosaire, qu'il y célébra son mariage avec Paulette Disant.
Catholique pratiquant, l'idéal et la foi de Marcel Carrier l'ont conduit à découvrir la Jeunesse Ouvrière Chrétienne. Les valeurs qui guidaient son action l'ont amené à s'engager activement dans le combat pour la liberté au sein de la Résistance.
Déporté, emprisonné, torturé, il poursuivit avec courage son combat et sa lutte contre l'oppression. Marcel Carrier était un citoyen «debout », investi aux cotés de femmes et d'hommes de tous les horizons politiques, sociaux et religieux. Ils nous tirent en avant.
Son engagement, son sacrifice sont exemplaires et porteurs d'un message universel fort: ensemble et tous différents, nous pouvons réaliser des choses exceptionnelles, héroïques, pour de grandes causes humaines; la libération de l'oppresseur nazi.
Se retrouver ce matin c'est dire que nous voulons être porteurs de cet espoir et faire vivre cet exemple d'homme debout, au service de la liberté.
Honorer aujourd'hui Marcel Carrier, c'est lui dire que nous essayons à Saint-Ouen, au-delà des différences, de bâtir des projets communs au service de tous en installant le dialogue et le respect mutuel.
Les rencontres interreligieuses que j'initie avec mes collègues et avec la collaboration des différents représentants des cultes, vont dans ce sens. Et finalement, nous allons bien au-delà en faisant l'expérience de la richesse de la différence.

Quelque soient nos croyances, nos religions, comme Marcel Carrier, nous devons nous retrouver afin de poursuivre des combats qui concernent, à notre époque, l'ensemble de l'humanité, à commencer par la paix et ce qui me parait indissociable, la justice sociale, la reconnaissance de chacun.
Pour conclure cet hommage toujours si bref au regard de cet engagement exceptionnel, c'est la jeunesse de Marcel Carrier que je voudrais mettre en avant. Quelle leçon sur la force de ces jeunes : Marcel Carrier, Marcel Bourdarias (bien connu à Saint-Ouen), Guy Moquet qui à 18, 20, 23 ans placèrent leur vie totale au service d'un idéal au risque de la perdre. A une époque où je crois que les jeunes nous demandent plus que jamais de leur faire confiance, l'engagement de Marcel Carrier nous invite à nous tourner vers eux, eux qui sont l'avenir, à les accompagner pour qu'ils s'investissent librement, à leur façon, dans ces valeurs. Beaucoup d'entre eux portent celles de la solidarité, de l'entraide et du refus de l'exclusion.
Et je crois que ce serait un beau cadeau pour Marcel Carrier, pour son 85ème anniversaire, de retrouver des jeunes déclarant leur idéal avec la même passion qu'il a vécu le sien.
Et cela dépend aussi de nous les adultes."
 
Mlle Nathalie Abbey,
fédérale jociste
 

"Par cette délégation que nous formons comme jeunes jocistes ce matin, nous voulons remercier de tout cœur la municipalité de la ville de Saint Ouen d'apposer au frontispice de l'église Notre Dame des Rosaire cette plaque, afin de commémorer l'engagement héroïque de Marcel Carrier, membre de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, requis en Allemagne pour le Service du travail obligatoire, arrêté pour action catholique, torturé et condamné à la déportation, puis assassiné sur la route d'évacuation en mai 1945, tout comme Marcel Callo, autre grande figure de la JOC, mort lui aussi en camp de concentration.
Sa béatification, ainsi que celle d'une cinquantaine de jeunes catholiques engagés, déportés et liquidés en camps de concentration, est actuellement en étude à Rome.
Aujourd'hui encore et depuis sa création en 1927 par le père Guérin à Clichy, les membres de la JOC qui représentent prés de 20 mille adhérents à travers le monde, ne cessent de continuer, avec courage et détermination, leur combat militant. Aux quatre coins de notre pays, les jocistes de notre époque continuent à suivre leur dynamisme et leur engagement en menant un combat social, en luttant ensemble contre le chômage, la précarité, la pauvreté, l'exclusion et les multiples discriminations ...
Cette année, particulièrement par l'enquête Il emploi atout jeunes Il, plus de 200 TABLES RONDES pour l'EMPLOI ont été organisées dans toute la France, dont 4 dans le 93nord. Cette vaste mobilisation a débouché sur des ETATS GENERAUX de L'EMPLOI qui ont permis le rassemblement de 1500 jeunes délégués venus de toute la France. Les débats avec des élus, des syndicats, des chefs d'entreprise, des représentants politiques ont abouti à une CHARTE pour l'EMPLOI signée par tous et porteuse d'espoir pour la jeunesse de notre pays.
Hier comme aujourd'hui, la JOC que nous sommes s'engage à jouer un rôle constructif dans la société par nos actions de militants et de militantes. A la suite du Père Guérin, de Marcel Carrier, de Marcel Callo et de tant d'autres, nous voulons par notre vie militante redire à tous les autres jeunes de nos banlieues ainsi qu'à la société de notre temps: Il Oui, un autre monde est possible. « Oui Un jeune travailleur, une jeune travailleuse vaut plus que tout l'or du monde car il est fils de Dieu ».
Je vous remercie
 
Monsieur René Mateo,
secrétaire de l'ANACR
(pour les Résistants et les Anciens Combattants)
 

 "L’Association Nationale des Anciens Combattants de la Resistance, les Amis de la Résistance, la Fédération Nationale des déportés, Internés, Résistants et Patriotes, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne et les prêtres de la paroisse du Rosaire ont tenu à rendre hommage à un jeune audonien, Marcel Carrier, militant jociste, déporté en Allemagne et victime de la barbarie nazie.
Marcel Carrier ne fut pas un déporté comme les autres. Fidèle à ses convictions, il tissa, jour après jour, des liens étroits de solidarité avec tous ceux qui, comme lui, étaient privés de liberté en terre étrangère. Il fut un messager de l'espoir.
Il fit parti de ces jeunes gens qui refusèrent la défaite et la soumission à une idéologie criminelle, responsable de la mort de 52 millions d'êtres humains.
Nombreux, en effet, furent les jeunes jocistes qui s'engagèrent dans les réseaux de ia Résistance et prirent part au combat contre l'occupant. On en trouve dans les Forces Françaises de l'Intérieur et dans les Francs Tireurs et Partisans Français.
Aussi, les dirigeants de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne et l'Association Catholique de la Jeunesse Française jugèrent opportun de créer un corps de jeunes chrétiens. Leur action débuta en 1943 et se poursuivit en 1944. Ils participèrent, avec d'autres, à diverses actions contre l'ennemi dans les Alpes, le Massif Central et le Nord, notamment. Témoignage Chrétien, mouvement de Résistance Français dont le principal animateur était le père Pierre Chaillet, avait lancé, le 16 novembre 1941, un vibrant appel à s'opposer au nazisme au nom des valeurs chrétiennes.
Louis Aragon magnifie dans « La rose et le réséda » la fraternité d'armes qui unissait les combattants de l’ombre. Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas, tous unis pour bouter l'ennemi hors du pays. Il écrit:

« Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Il coule, il coule, il se mêle
A la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas.»


Le souvenir de Marcel Carrier ne s'éteindra pas. La plaque apposée sur ce côté de l'église rappellera aux passants qu'un jeune chrétien fit le sacrifice de sa vie pour
défendre la civilisation contre l'irrationnel. Il est allé jusqu'au bout de son engagement. Cela inspire le respect.
Le meilleur hommage qu’on puisse lui rendre c’est de rester vigilants. Nous vivons dans un monde dangereux. Dans plusieurs pays d'Europe, le fascisme affleure. Le fascisme c'est une dictature absolutiste qui, il y a 68 ans, a mis l'Europe à feu et à sang. Il faut y faire échec. Le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, le révisionnisme et le négationnisme en sont les signes avant-coureurs. Le combat pour la mémoire est donc une nécessité vitale.
L'écrivain Jean Bruller, plus connu sous le nom de Vercors, écrit: « Quand la mémoire faîblit, quand elle commence comme une fragile falaise rongée par la mer et le temps à s'effondrer par pans entiers dans les profondeurs de l'oubli, c'est le moment de rassembler ce qui reste. Ensuite, il sera trop tard.»