Mgr Guy Gérard Deroubaix, 2 e évêque du diocèse Saint-Denis-en-France


Né le 10 juin 1927 à La Madeleine-lès-Lille, dans le Nord, il fait ses études à l’institution Saint-Jean, à Douai, puis au collège Saint-Joseph, à Lille. Se préparant au sacerdoce, il fait ses études philosophiques et théologiques au Séminaire Saint Sulpice à Issy-les-Moulineaux, pour terminer la dernière année rue du Regard à Paris. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1951. Il fut aumônier diocésain de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) de 1953 à 1965, et aumônier de l’ACO (Action Catholique Ouvrière) de 1965 à 1970. Nommé par le pape Paul VI, évêque coadjuteur à Saint-Denis, le 2 octobre 1976, il fut sacré le 21 novembre 1976 à la basilique St-Denis dans une cérémonie présidée par Mgr Jacques Le Cordier, Adrien Gand, son ancien évêque, et Robert Frossard évêque auxiliaire de Paris, très impliquée dans le monde ouvrier. Il devint évêque titulaire du diocèse le 1° avril 1978, succédant à Mgr. Le Cordier démissionnaire en raison de son âge.
Président de la commission épiscopale France-Amérique Latine de 1981 à 1987, Mgr Deroubaix accéda, en 1985, à la présidence de la Commission épiscopale pour le monde ouvrier, une charge qu’il assuma jusqu’en 1991. En 1993, il fut l’évêque accompagnateur du secrétariat national des relations avec l’Islam.
Il a eu la joie d’accueillir Jean-Paul II en 1980 en la cathédrale-basilique de Saint Denis.

Personnalité discrète, d'apparence plutôt timide, comment l'action de cet homme était perçue par le monde non-croyant?
Voici comment s'exprimait Jean-Paul Monferran dans un article paru dans L'Humanité le 10 janvier 1996 au lendemain de la mort de Guy Deroubaix. Nous reproduisons ici un long extrait de l'article.

"En plusieurs occasions, à de nombreuses reprises, Mgr Deroubaix prit des positions avancées en intervenant au coeur des débats qui animent régulièrement les assemblées de l’épiscopat français. Avant même que les évêques du comité pour la mission en monde ouvrier n’invitent à la réflexion sur le fait que le mouvement social porte « des remises en question sur les finalités de notre société », il jugeait, dans un message aux chrétiens du diocèse de Saint-Denis en date du 11 décembre 1995, qu’il y a « de nouvelles solidarités à développer sur le terrain de la justice sociale ». Mgr Deroubaix ajoutait : « La situation actuelle exige d’autres modes de gestion et de répartition des richesses… »

D’une manière plus générale, il n’eut de cesse d’inviter les chrétiens à « participer à la vie politique ». Pour lui, il ne s’agissait pas, à ce propos, de parler en termes d’« obligation », mais « d’amour du prochain ». Invité du Club de la presse « Humanité »-TSF, en novembre 1991, il se refusait à « condamner » les « abstentionnistes » - « je risquerais de faire de la morale, du catéchisme » - ajoutant : « Les partis politiques, y compris le PCF ont une responsabilité. Si les gens ne s’intéressent pas plus à la politique, c’est aussi parce que les partis n’éveillent pas assez l’intérêt des gens… » L’évêque de Saint-Denis soulignait aussi: « Les pauvres ne doivent pas devenir des assistés, mais des citoyens responsables. Les pauvres doivent être acteurs de leur propre libération… »

Mgr Deroubaix fit aussi entendre sa voix, au cours de l’été 1994, lors du 50e anniversaire de la libération de Paris. Dans un texte envoyé aux paroisses de son diocèse, il interrogeait : « De quelle libération avons-nous besoin aujourd'hui ? » Saluant la Résistance - « ceux qui croyaient en Dieu et ceux qui n’y croyaient pas » - il invitait à la réflexion : « Il y a cinquante ans, nous avons été victimes de l’idéologie nazie avec sa conception de l’homme et de l’appartenance à une « race » privilégiée, la « race aryenne ». Nous sommes aujourd'hui soumis à d’autres idéologies : celles de la production et du profit conçus comme des absolus, celles du racisme ou du nationalisme comme valeurs suprêmes… »

Guy Deroubaix savait être tranchant, à proportion du sens du dialogue et de l’esprit de tolérance qui fut aussi sa marque. On le vit lors de la révocation de Mgr Gaillot, quand il exprima une position qui était au fond proche de celle de la quasi-totalité des évêques de France : « Certaines personnes peuvent s’étonner des initiatives de l’évêque d’Evreux. Mais, sur le fond, sa solidarité avec les plus démunis, les sans-abri, les sans-travail, les prisonniers ne m’apparaît pas condamnable… » On le vit aussi, d’une autre manière, dans la manifestation régulière de son attachement à une vision ample du dialogue « oecuménique » : « Il faut parler avec les musulmans de ce qui nous unit plutôt de ce qui nous sépare », déclarait-il au journal « Libération », en novembre 1994. Mgr Deroubaix précisait : « Les jeunes de famille musulmane veulent avoir un avenir à construire (…). On peut comprendre d’autant plus facilement cela que nous, catholiques, partageons avec les musulmans le sentiment que la société actuelle ne comble pas les besoins spirituels des gens… »

Homme de coeur, de caractère, de conviction et de tolérance, Mgr Guy Deroubaix vouait aussi un attachement peu commun à sa terre de mission. Il écrivait, en janvier 1988 : « Les plus beaux diamants ne sont pas chez les bijoutiers. Il sont dans le peuple des hommes et des femmes de bonne volonté qui peuplent notre département… »

Ainsi termine son article Jean-Paul Monferran dans L'Humanité du 10 janvier 1996.

Mgr Guy Deroubaix est décédé le 9 janvier 1966, à l’âge de soixante-huit ans. Gravement malade depuis deux ans, il n’a pourtant, jusqu’au bout, « rien négligé de ses responsabilités » comme il était écrit sur le faire-part de son décès. Les obsèques de Mgr Deroubaix ont été célébrées le samedi 13 janvier à 10 h 30 en la basilique de Saint-Denis dans une cérémonie présidée par le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, accompagné du clergé du diocèse et d'un nombreux public.

 
Faire l'Église du Christ
par Guy Deroubaix, ancien évêque de Saint-Denis
  Nous aimons notre Église
avec ses limites et ses richesses
c'est notre Mère.
C'est pourquoi nous la respectons,
tout en rêvant qu'elle soit
toujours plus belle.

Une Église
où il fait bon vivre,
où l'on peut respirer,
dire ce que l'on pense.
Une Église de liberté.
Une Église où l'audace de faire du neuf
sera plus forte que l'habitude
de faire comme avant.

Une Église
qui écoute avant de parler,
qui accueille au lieu de juger,
qui pardonne sans vouloir condamner,
qui annonce plutôt que de dénoncer.
Une Église de miséricorde.

Une Église
où le plus simple des frères
comprendra ce que l'autre dira,
où le plus savant des chefs saura qu'il ne sait pas,
où tout le peuple se manifestera.
  Une Église
où l'Esprit Saint pourra s'inviter
parce que tout n'aura pas été prévu,
réglé et décidé à l'avance.
Une Église ouverte.


Une Église où chacun pourra
prier dans sa langue,
s'exprimer dans sa culture,
et exister avec son histoire.

Une Église de sagesse.
Une Église dont le peuple dira
non pas "voyez comme ils sont organisés"
mais "voyez comme ils s'aiment".


Église de Saint-Denis,
Église des banlieues, des rues et des cités,
Tu es encore petite, mais tu avances.
Tu es encore fragile mais tu espères.
Lève la tête et regarde :
Le Seigneur est avec toi.