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Stature historique de Saint-Ouen


"Saint Ouen ne fut pas témoin de ces événements (la fin de la dynastie mérovingienne et l'avènement de la dynastie carolingienne).
La mort lui épargna la douleur qu'une telle révolution lui eût certainement causée. Il était l'un des derniers survivants de la génération qui avait connu les gloires de la dynastie mérovingienne.
L'édifice élevé sous ses yeux par 1es mains puissantes d'un Clotaire II et d'un Dagobert 1er penchait maintenant à sa ruine.
Sous Clovis II et ses fils, sauf pendant la période de la régence de Bathilde, le prestige de la royauté avait décliné visiblement.
Mais ni la faiblesse des rois, ni leurs fautes, ni leurs crimes n'avaient découragé la fidélité de l'évêque de Rouen.
N'est-il pas remarquable que sa vie entière ait été dépensée au service de l'État, en même temps qu'à celui de l'Église?
Les intrigues de Cour ne l'ont jamais atteint.
Être pendant cinquante ans, sous le gouvernement de six monarques et d'une régente (titulaire d'une charge ou simple évêque), l'égal des plus grands et un conseiller toujours écouté, cela témoigne d'un rare mérite.
C'est que saint Ouen excelle en toutes les qualités qui font le politique et le diplomate.
Il a la mesure, le sens pratique, la souplesse, l'esprit de conciliation.
De là son autorité, non seulement auprès des rois, qui sont parfois tenus à l'écart des affaires, mais encore auprès des ministres les plus jaloux du pouvoir, tels qu'un Ébroïn ou un Pépin.
L'évêque de Rouen devait emporter dans la tombe le secret de son prestige.
Après lui on ne voit plus de prélat qui tienne au palais le poste qu'il occupait. L'homme d'État de l'avenir, dans les rangs du clergé, sera saint Boniface de Mayence, le tuteur de la dynastie carolingienne à ses débuts."

Vie de Saint-Ouen, chap X, p.297-298, E.Vagandard