Éditions Obsidiane

Claude Adelen

Obligé d'être ici


 

Triptyque, qui se referme sur une coda – importance de la musique cehez Claude Adelen – Obligé d'être ici est son dixième livre de poèmes. On y retrouve l'exigence formelle qui est la marque de ce poète. Le titre même du recueil dit la dureté de « ce côté du ciel », hanté par les drames des hommes, autant que par la nostalgie de l'enfance et des paysages de l'ancien pays pas totalement enfoui sous la bruyante modernité ! Mais « le coup de grisou de l'âme » n'est-il pas sauvé par le plaisir de raconter en inventant sa propre langue pour ce faire ? « Je reste attaché à cette musicalité de la langue, c'est-à-dire à des lignes mélodiques, à des modulations vocaliques et consonantiques (l'intraduisible d'une langue). Au principe de la variation. » (in Légendaire). Claude Adelen affirmera aussi que l'aspect formel de ses poèmes est une contrainte obligée pour maîtriser le chaos intérieur et la tentation d'un lyrisme profus et comme naturel...



Extraits



...OBLIGÉ D'ÊTRE ICI. Qui donc
nous a remontés du puits d'enfance, qui donc
a rendu le verdict ? D'ici non plus tu ne
t'en iras par les pieds, pente paresseuse
sous l'ombre instable de toi-même, ni ta tête
en poussière de paille au passage
des engins. Donc reste. Et rêve aux lointains profils
dévastés par le temps, corps de fermes
granges, greniers d'abondance
après tout ce boucan, vide et silence. Le travail
d'exister, Waste land, Terre à parole...



...dans l'absence. Dressé. Entre ses marges
sans arbres, sans nuages, l'aire sans ratures,
le cadran solaire (serais-je un texte
ou un calendrier de pierre ?). Né
de l'ombre des heures. D'un doigt pointé
un va-et-vient d'œil toute mémoire soleil en face
et flots vers le soir trempés de flamme,
à mes frontons, escaliers marbres
du Lorrain les pieds dans la mer mes langues
mes algues mortes, ici, viendront se dissoudre
ici, lécher mes dernières marches...



...si toutefois ne s'oppose une carrure de texte,
carré de signes  « sur le socle
durci où se disputent
les abeilles » où la roue des phrases
tourne, une main devant les yeux,
pour regarder en face
le soleil entre les lignes descendre,
entre les doigts (le rayon vert !), une pleine
page enfin désencombrée
(moissonnée) tout l'or lyrique au sol,
et des oiseaux muets qui montent...





Haut de page