Ce dictionnaire,
commodément portatif,
illustre son objet à travers les thèmes
essentiels du
XIXe siècle (d’Absinthe à Zutique) ; on
y retrouve,
notamment, maints auteurs qui se risquaient alors à penser,
à publier et même à vivre à
contre-courant,
au mépris de l’ennemi commun ‒ le Bourgeois ‒, et
à
l’enchantement de la postérité ; cet
Éloge
est flanqué d’un glossaire insolent de certains
noms
propres. Il fait suite au Portatif de la Provocation (2000)...
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NATURALISME
C’est le
Sâr Joséphin Péladan lui-même
qui, en mars 1891, le déclare tout net à Jules
Huret :
« Doctrinalement, le naturalisme n’a jamais
existé » et afin d’étayer son
propos un tantinet
péremptoire, n’hésite pas à
dire tout le bien qu’il en pense : « Ses hommes,
sans exception, présentent unies l’ignorance de
l’histoire littéraire à
l’inconscience
en matière d’abstrait… Ce sont des
sansculottes,
c’est-à-dire des incultivés
réduits à leur
propre tempérament ». Enfin, le Sâr, du
haut de sa magnificence Peladane – Huret le classera parmi
les Mages – résume d’une phrase la
détestation finde-
siècle à l’encontre du Naturalisme
agonisant :
« Je vois dans le naturalisme un synchronisme du
suffrage universel, et le protagonisme anti-esthétique
de la canaille : l’écrivain fait sa cour
à la
rue, comme jadis au roi ». Cela s’appelle tirer sur
l’ambulance et le Goncourt survivant, l’Edmond,
déjà bien acariâtre parce
qu’excédé par le succès
populaire de Zola, dut en être malade –
terré dans son Grenier tenant davantage du mouroir que du
Salon. Malade mais encore lucide puisqu’au même
Huret, il avoue que sa chose, le mouvement naturaliste,
« disons naturiste,
comme s’expriment les
Japonais (…) touche à sa fin, qu’il est
en train de
mourir, et qu’en 1900 il sera défunt et
remplacé
par un autre ».
« Faire sa cour à la rue »
n’était pas si mal vu, d’autant que la
préface de 1864 à
Germinie Lacerteux,
le premier roman-manifeste
vraiment naturaliste, le revendique non sans un
dédaigneux aplomb : « Le public aime les romans
faux : ce roman est un roman vrai. Il aime les livres
qui font semblant d’aller dans le monde : ce livre
vient de la rue » . Les Goncourt auraient mieux fait
d’y réfléchir à deux fois
avant de pester, fulminer et ratiociner a posteriori contre
la
réussite illégitime
de Zola : « Ce sacré assimilateur que
c’est,
et avec cela de la sournoiserie de vieux paysan »
(Journal,
1883) et, quelques années plus tard :
« Mais sacredieu ! c’est un roublard que mon Zola,
et il en sait un peu tirer parti, de la folie de l’oeil
qu’il m’a chipée ! (…) Au
fond, Zola n’est qu’un
ressemeleur en littérature » (idem, 1886)
– ce que
d’ailleurs ne contredit pas la visite de Jules Huret
au dit cordonnier l’accueillant par ces mots un
brin satisfaits : « mes livres se vendent mieux que
jamais, et mon dernier, L’Argent,
va tout seul ! »
:
on ne saurait mieux résumer la haute teneur spirituelle
du Mouvement…
.
*
EXOTISME
À
l’aède fluet
Pierre Loti, chantre de l’exotisme kitch, il arriva
qu’on
écrivît à l’adresse suivante :
À Mr.
Pierre Loto
Capitaine de vessie
C’en est là une des
rançons.
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PÉTROLEUSE
Mythe
versaillais qui trouva à
s’illustrer sur une fameuse carte postale montrant La
Pétroleuse, de rouge
vêtue, avec bonnet phrygien, la chevelure hirsute, la mamelle
pendante et
l’arrosoir incendiaire. Flaubert, en bon rentier
réactionnaire, fait d’Eulalie
Papavoine (une Communarde parmi d’autres,
condamnée au bagne), l’archétype de
cette supposée gorgone des barricades : «
J’ai été réjoui, ce matin,
par
l’histoire de Mlle Papavoine, une pétroleuse, qui
a subi au milieu des barricades
les hommages de dix-huit citoyens, en un seul jour ! Cela est raide
». (à
George Sand). Mais les plus perspicaces historiens n’ont
jamais trouvé trace
d’une seule condamnée pour avoir alors mis le feu
aux poudres…
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