Dans ce pamphlet philosophique,
Alain Jugnon
fustige les contempteurs de l’hédonisme de Michel
Onfray.
Convoquant Nietszche et Deleuze, Antelme et même
Benoît
XVI, il entend défendre une manière de droit humaniste
à la vie vivante, à son exubérance. Et
à
travers les expériences tragiques (Antelme, Mascolo,
Politzer),
c’est bien une forme de liberté
supérieure qui est
en jeu – liberté essentielle que le monde
contemporain sous ses formes dominatrices s’acharne
à
réduire. Egalement dramaturge, Alain Jugnon enseigne la
philosophie dans un lycée public. Il dirige la revue Contre-attaques. Il
a publié récemment Révolutions nous !
(Ed. D'ores et déjà, 2011), Le devenir Debord
(Editions Lignes, 2011).
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Michel Onfray, en tant que philosophe, est en première
instance antiraciste – l’antiracisme sera une
nouvelle philosophie et s’impose comme Lumière du XXIe
siècle contre tous les nouveaux obscurantismes, nouvelles
droites et autres nouveaux réactionnaires : les tenants,
aujourd’hui, d’un anti-antiracisme tel Alain
Finkielkraut et Elisabeth
Lévy, ne font que tuer une
nième fois les Politzer, Antelme, Mascolo. Et si ce
n’est pas un assassinat par procuration c’est au
moins une négation qui frôle la
révision et d’une force politique qui fut
à l’œuvre pour
l’humanité et d’une pensée
politique qui fut d’importance pour la citoyenneté
et la modernité. Onfray travaille contre la
réaction : ce geste rappelle très directement le
métier humain d’un Georges Politzer qui, en 1940,
philosophait contre le nazisme : « Tous les écrits
de M. Rosenberg sont dominés par cette
préoccupation : trouver le moyen de recréer,
malgré l’existence du marxisme, les
ténèbres dans les consciences, au moins dans
celles des couches les plus arriérées de la
société. Et c’est ainsi que
naît le racisme, dont tous les "mythes"
correspondent à un double but : combiner la force et la
ruse, pour mettre dans la conscience des hommes des illusions qui les
rendent soumis au capital et prêts à la guerre
impérialiste. Ils se sont orientés vers
l’idée de race. Par là, doit se perdre
la connaissance la plus importante, celle du rôle de
l’économie. Par là, doit se perdre la
notion fondamentale de classe. Par là, doit se perdre la
connaissance que le marxisme a apportée aux travailleurs des
lois de l’évolution de la
société, la connaissance du moyen de sortir de la
société capitaliste. »
Antelme, prenant le relais d’un Politzer, donne à
la philosophie de la seconde moitié du vingtième
siècle un ton et un lieu des lesquels elle n'aurait
dû se départir, plus jamais. Onfray, sans
polémiquer, en marquant sa lecture d'Antelme au coin de
l'évidence, rappelle cela : il y eut pour penser le
siècle, le retour du camp de concentration nazi de la
pensée politique de Robert Antelme ; ensuite, il y eut selon
le même théâtre la vie après
guerre les écrits de Dionys Mascolo, ami d'Antelme, amant de
Duras, compagnon d'Antelme : Antelme, Duras, Mascolo, les Jules et Jim
de la pensée vivante et politique des années de
guerre communiste.
Au-delà de l'appartenance au parti,
Antelme et Mascolo sont les libertaires du communisme réel :
aucune ligne, aucun trait, aucune marge, aucun jeu, chez eux deux,
entre le communisme et la pensée, c'est le même,
exactement, sous le soleil.
Il y eut donc cela, que Michel Onfray, l'un des rares à la
fin du vingtième siècle, reconnaît et
auquel il rend l'hommage philosophique qu'il se doit. La
pensée revenue de la mort d'Antelme n'est qu'affirmation
politique du vivre humain et conscient.
« L'intérêt que présente
Robert Antelme par rapport à ses semblables qui ont
laissé un nom dans la littérature
concentrationnaire purement descriptive, c'est de proposer,
ça et là, dans le cours de L'Espèce
humaine des phrases ou des pages mettant en perspective ce qui s'est
vécu dans un camp nazi et ce qui se vit ensuite, et depuis,
dans le monde qu'on dit libre. Constatant l'unité et
l'unicité d'une essence humaine, au-delà de tout
ce qui fait différence et divergence, Antelme conclut
à la nécessité de lutter contre tout
ce qui masque cette unité. Faux et fou, dit-il, tout ce qui
contribue à creuser les différences entre les
individus, à vouloir transformer de
légères fissures en abîmes impossibles
à combler parce que l'âge, le sexe, la couleur, la
fonction sociale et tout ce qui caractérise une personne
parmi d'autres montent, au premier abord, de quoi lire une
dissemblance. Une phénoménologie des
comportements nazis dans le camp a permis à Robert Antelme
de conclure qu'il n'y avait pas de différence de nature
essentielle entre ce qui se passait dans l'enceinte de Buchenwald et ce
qui est visible dans le monde du travail habituel. »
On n’en finira plus, dans la France de 2012, de
décider ensemble d’être à
nouveau antifascistes : la politique en campagne colle au pays
réel et à la puissance d’une langue de
droite qui, elle, ne peut pas en terminer avec les années
les plus noires, avec les idées les plus folles et les hommes les
plus nocturnes de la tradition du sabre comme du goupillon.
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