S’appuyant
sur de récents travaux de Marcel Coulon, dont Au cœur de Verlaine et
de Rimbaud
(1925), Maurice Dullaert (magistrat et écrivain belge,
1865-1940) poursuit l’enquête avec la minutie
d’un
juge d’instruction ; mais il a l’intelligence
d’examiner le contexte psychologique et familial du petit
drame
qui éclatera le 10 juillet 1873, à Bruxelles, ‒
les
fameux coups de revolver, dont l’une des balles atteint
Rimbaud
au poignet. Maurice Dullaert trace ainsi au long de son essai,
l’étayant par la correspondance, un portrait
psychologique
de Verlaine (et de son entourage) d’une belle
lucidité.
Cet essai a paru premièrement à Paris, en 1930,
chez
Albert Messein.
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Arrivé à
Bruxelles probablement le 4
juillet,
Verlaine se loge, comme l'année d'avant, rue du
Progrès,
à l'hôtel Liégeois où sa
femme, encore
éprise et le cœur plein de pardons, l'avait si
vainement
relancé. Seul d'abord, puis avec sa mère accourue
en
hâte, il y restera, notons-le tout de suite,
jusqu'à la
venue de Rimbaud, dans la soirée du 8. Aussitôt il
somme
sa femme de le rejoindre et la prévient que, si elle n'est
pas
là dans les trois jours, il se tuera ? Il fait part de cette
résolution à Mme Verlaine mère, ainsi
qu'à
Mme Rimbaud. De ces trois lettres, écrites sans doute le 4,
car nous savons que le délai fatal devait
expirer le 7, on ne possède que la seconde, remise
spontanément
au juge d'instruction, le 17 juillet, par la destinataire. La
voilà :
Bruxelles
Ma
mère,
J'ai résolu de me tuer si ma
femme ne vient
pas dans les 3 jours ! Je lui ai écrit. Je demeure
actuellement à cette adresse : M. Paul Verlaine,
hôtel liégeois, rue du Progrès, chambre
n° 2,
Bruxelles;
Adieu, s'il le faut.
Ton fils qui t'a bien
aimée
P. Verlaine
J'ai quitté Londres exprès.
La
tendre maman ne répondit à l'enfant
gâté
qu'en sautant dans le premier train pour Bruxelles ; et c'est bien,
peut-on croire, ce qu'avait prévu ce velléitaire
du
suicide.
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